Dans cette rubrique vos commentaires,
vos dernières lectures sont les bienvenus!
Merci d’être le plus précis possible en indiquant le titre des livres, le nom des auteurs et les éditeurs pour que tous nous puissions découvrir vos lectures.
Ci-dessous la sélection de Hélène, stagiaire à l’Apostrophe en Juin 2014.
librairieapostrophe a dit:
Chronique d’une jeune stagiaire de passage à l’Apostrophe, Lucille :
« Zouck
Auteur : Pierre Bottero
Editions : Flammarion
Ce livre parle de thèmes forts tels que l’anorexie, l’amour ou l’isolement. Ils sont abordés du point de vue des adolescents, autour d’un thème central : la danse, qui est la passion des deux héroïnes.
Anouck, dite Zouck, est obsédée par son poids. Elle veut maigrir, toujours plus, pour devenir légère comme un oiseau et s’envoler. Maiwenn, sa meilleure amie, est tombée amoureuse d’un homme rencontré sur internet, et sèche les cours. Elles s’éloignent, s’isolent, se coupent du monde, pour que rien ne puisse les atteindre, pour une « sécurité affective totale ».
Pierre Bottero a une écriture très juste et poétique. Les thèmes sont très bien traités, ils nous amènent à comprendre les causes et les conséquences de certains comportements (comme l’anorexie), la souffrance des gens qui en sont victimes, ainsi que l’impuissance de leur entourage. Il y a enfin une morale à cette histoire : l’exclusion et l’isolement n’arrangent rien, au contraire, ils ne font qu’empirer les choses. C’est en s’ouvrant au monde qu’on peut guérir de ses blessures. »
noctenbule a dit:
Un véritable coup de coeur de lecture dont je vous remercie vivement du conseil avec Féroces Infirmes retour des pays chauds de Tom Robbins.
Il est difficile de décrire simplement ce livre à part que se cache derrière ce gros pavé une histoire totalement folle, drôle et décalée. Switters, ancien agent du FBI suite à un séjour dans la forêt amazonienne où il venait rentre la liberté au perroquet de sa grand-mère est envouté. Il ne peut plus poser les pieds au sol ce qui ne va pas l’empêcher de traverser le désert au Moyen-Orient et de tomber amoureux d’une none. Cela vous paraît loufoque mais impossible de déposer le livre sans en connaître la fin.
Donc juste merci 🙂
Janine 1925 a dit:
titre Comment j’ai mangé mon estomac
auteur: Jacques A Bertrand
Editeur: Julliard
Quel talent de pouvoir écrire avec une telle histoire vraie un livre plein de grâce et de désinvolture. Une légèreté incroyable pour raconter le cancer de l’estomac, les visites médicales; la rencontre avec les médecins et les soignants.. Lucidité, humour, espoir et bonheurs malgré tout car » Soit !:,ce monde nous dévore et attend notre disparition mais il nous faut patienter en nous servant d’innombrables et somptueux présents » et l’auteur termine ce petit livre courageux et souriant par l’énumération poétique de ce qui peut encore donner le courage de vivre et d’essayer d’être heureux quand fatigue, maux de l’âge et maladies menacent..
Revigorant, un tel exemple. J’ai aimé
librairieapostrophe a dit:
Merci pour les premiers messages. Ce livre est sélectionné pour le Prix du Livre Inter.
Janine 1925 a dit:
Influencée par l’unanimité des chroniqueurs de « ça balance à Paris » enthousiastes .mais très brefs dans le compte-rendu, j’ai lu
Titre :Grand chasseur blanc
Auteur: Denis Parent
Editeur: Robert Laffont
Ce n’est pas vraiment l’ univers que j’aime et pourtant j’ai dévoré ces 444 pages avec grand plaisir..
Didier Neveu, 50 ans, producteur télé et écrivain, devient Simon Soreau, pour se soustraire à la justice de son pays.Il se pose à Bali dont il a rêvé dans sa jeunesse.
Dès son arrivée il fait connaissance d’un grand costaud québécois, bon vivant et homosexuel . C’est seulement une forte amitié très virile qui les unit pour des tournées mémorables. Pourtant Simon ne lui révèle rien de son passé d’écrivain et de justiciable. On s’interroge à travers ses rares communications internet.
Il a perdu l’ inspiration et noie ce constat dans la bière du pays en compagnie de Jean-Bat.Un jour, débarque Jeanne, une touriste qui aime les livres de Didier Neveu mais ne fait aucun rapprochement avec Simon chez qui elle loge. Excursions à Bali, ( on rit ) Attirance sensuelle, sexuelle, ambivalence…
Mais ce n’est pas un roman à l’eau de rose..
Au détour d’une page, il faut avoir le coeur bien accroché pour suivre les deux compères dans leurs virées alcoolisées et leurs gueules de bois du matin..Il ne faut pas se scandaliser de l’érotisme cru des ébats avec la plantureuse Jeanne. Il faut accepter le vocabulaire qui n’est pas celui d’un enfant de choeur.
Ceci étant entendu,on se régale d’une histoire riche de péripéties épiques.Même le récit des matchs avec les autochtones m’a amusée.
C’est que le style est fluide, rapide, coloré,les phrases plutôt courtes.
Et on est à Bali avec ses sortilèges, ses habitants gracieux et souriants, sa lumière, sa faune,,ses orages et ses séismes..
Didier- Simon immature tourmenté et ses échecs, ses vieux et originaux parents ( qu’il rencontre virtuellement,) le pittoresque Jean Bart très généreux, l’adorable Rudy, la pétulante Jeanne, tous les personnages sont attachants.
C’est drôle,plein d’humour et d’une dérision qui voile le désespoir distancié du ratage d’une existence. Et la tendresse est sous jacente.
noctenbule a dit:
Mapuche de Caryl Férey a été une véritable surprise de lecture. Lu par hasard, j’ai été emmené en plein coeur de l’Argentine dans les années 2000 aidé par un détective Ruben. A travers son regard perçant, il va nous montrer l’histoire de son pays, celles des années d’enlèvements d’enfants, de tortures d’innocents, des manifestations des mères de la place de mai… Mais cet ancien détenu enquête sur les disparus et sur les tortionnaires jusqu’au jour où une enquête l’emmène à rencontrer une jeune Mapuche, Jana. D’un regard naquit une étincelle d’amour qui va mettre la passion au coeur de l’injustice. Les pages se tournent et l’ouvrage devient addictif. L’Histoire se mêle avec justesse à la fiction pour jouer au mieux avec nos émotions. Un roman que je ne risque pas d’oublier.
Janine 1925 a dit:
Titre : Loli le temps venu
Auteur : Pierrette Fleutiaux
Editeur : Odile Jacob
« Les femmes font des enfants et leurs enfants font à leur tour des enfants. Que se passe t’il dans cette chaîne des générations entre celle qui termine sa vie et celle qui la commence ? »
Pierrette Fleutiaux nous fait partager sa découverte inattendue d’un lien extraordinaire avec l’enfant qui vient à la vie. C’est un émerveillement qui touche la sidération devant le miracle de l’existence de ce petit être et de son éveil au monde durant les trois premières années. C’est une étonnante obsession amoureuse qui s’exprime là !
Mais, bien que l’on n’ait jamais atteint, en vivant cette situation, ce degré de passion, on ne peut qu’admirer le talent avec lequel elle nous fait revivre notre propre émerveillement à voir éclore l’intelligence et la grâce de nos petits enfants durant ces premières années.
Mais, cette observation passionnée et inquiète, cet amour débordant ne se colore d’aucune mièvrerie. Tout au contraire, il y a dès les premières pages une dimension universelle, quasi cosmique avec ce ressenti intuitif de la présence de la petite fille du bout des temps. Cette perspective temporelle donne de la grandeur à cette déclaration d’amour.
Et je ne puis que retranscrire l’appréciation de Françoise Héritier (qui a écrit une si belle préface)
« Ce livre est un délice, une petite merveille, qui nous fait accéder à des choses impalpables, qui prennent corps grâce au talent de l’auteur. Il y a là une pénétration, une tendresse et une drôlerie sans pareille »
noctenbule a dit:
Titre : Thermae Romae – Tome 1
Auteure : Mari Yamazaki
Genre : Manga
Envie de se détendre et de changer un peu d’air? Que diriez-vous d’aller prendre un bain dans des thermes? Prenez la direction que propose Mari Yamazaki vers Thermae Romae.
A grand renfort de communication, ce manga n’est pas passé inaperçu dans les librairies et dans la presse. En effet, comme l’indique la couverture, on va suivre un romain à travers l’histoire du bain. Lucius Modestus, architecte spécialisé dans la construction des thermes sous le règne d’Hadrien possède un pouvoir mystérieux. A la suite d’avoir été remercié par son patron car il avait des idées pas assez innovantes, il va se produire un évènement qui va changer sa vie.
Un jour en prenant son bain dans des thermes, il est aspiré dans le bain en direction du Japon moderne. A chaque aspiration, il va voyager dans le temps et l’espace à la découverte des nouvelles pratiques autour de l’activité aquatique comme le côté thérapeutique. Le fait qu’il applique ce qu’il apprend dans sa réalité permet d’augmenter sa réputation qui va aller jusqu’à l’empereur.
Un passionnant manga que j’ai lu avec beaucoup de plaisir et de sourire. L’histoire est ponctuée de moment rigolos nés d’une part de quiproquo lié à la langue (romain / japonais, italien) et d’autre part à l’évolution des pratiques comme le papier toilette ou les jets d’eau dans les toilettes modernes japonaises. Puis on peut rajouter le côté pédagogique, car les références sont exactes. Si par exemple, vous êtes déjà allés visiter des thermes romaines comme le frigidarium du musée de Cluny à Paris, la mise en image des pratiques dans ces thermes va donner une autre dimension au lieu.
Le sujet choisi par l’auteure est important car le bain, principalement les onsens sont très importants au Japon. Rien de tel pour se décontracter que d’aller dans un bain public où l’on peut se délasser dans une eau thermal bien chaude. C’est un rituel que tous les habitants connaissent qui est très précis. Les hommes et les femmes sont séparés dans deux espaces. Chacun se déshabille, se lave dans la pièce prévue à cet effet puis va se baigner dans une eau bouillante.
Un succès qui n’est toujours pas démenti de nos jours que cela soit au Japon ou en France. Au Japon, l’histoire a été pré-publié dans le magazine Comic Beam entre décembre 2008 et mars 2013 puis compilé dans six tomes. Plus de 2 230 000 exemplaires ont été vendus au Japon et il a reçu le troisième prix Manga Taishō en 2010. En complément de la version papier, l’histoire a été adapté en animé et en film en prise réelle. En France, c’est Casterman qui achète les droits pour les publier depuis le 14 mars 2012 dans la collection Saka. L’éditeur a publié les six tomes existants et les a même republié dans trois tomes en collection de luxe.
Une lecture très heureuse qui m’a donné envie de lire la suite des aventures de Lucius. En plus, on m’a raconté qu’il allait rencontré une charmante japonaise lors d’un futur voyage. Alors comment résister à cette mise en appétit?
librairieapostrophe a dit:
Une très bonne série en effet. Chaque histoire propose un défi à surmonter. Le héros romain pose un regard neuf (plutôt très ancien) sur le monde actuel , et pioche dans le Japon moderne les idées d’architecture et de villégiature qui enchanteront les bains et le repos de ses contemporains. La reconstitution historique est intéressante et passionnée, l’auteur fait preuve d’humour, et d’une fierté visible pour l’art des bains japonais.
noctenbule a dit:
Je vous conseille de regarder des extraits des adaptations au cinéma par les japonais. Cela rend vraiment hommage au manga 🙂
noctenbule a dit:
Titre : Joe
Auteur : Larry Brown maintenant dispo chez Gallmeister
Grand merci du super conseil, comme d’habitude 🙂
Larry Brown fait parti de ces auteurs américains qui nous mène dans l’obscurité d’une Amérique miséreuse. Bienvenue dans un univers rempli d’alcooliques, de drogués, de violents, d’égarés où peu de raison et de respect font rage. Mais Joe, n’est pas un homme ordinaire, dans son désespoir, il souhaite que règne un peu de justice.
Joe est à son compte et travaille dur. On ne pourrait pas en dire autant de la plupart des habitants de la ville. D’ailleurs, il fait travailler quelques personnes de façon bien difficile mais pour un bon salaire. Il doit tuer toute une forêt en empoisonnant les arbres afin de planter plus tard une variété d’arbres pratiques et pas cher pour la transformer en bois de consommation. Un jour, il va rencontrer un gamin, qui n’est pas certain de son âge, qui e se nomme Gary, qui veut travailler pour gagner un peu d’argent. En effet, il habite dans une vague cabane abandonnée avec sa mère, ces deux soeurs et son père alcoolique.
Presque tout l’argent gagné va forcément finir en séance de beuverie pour le père qui méprise sa famille. Avant, il avait deux autres garçons qui entre temps ont disparu sans que cela ne puisse émouvoir qui que se soit. Un seul mot d’ordre survivre comme on peut. Gary possède une volonté vole et un courage exemplaire, c’est ce que voit Joe. Il veut l’aider à prendre sa liberté et se libérer de cette famille de perdants. Mais jusqu’où va la tolérance humaine à de la déchéance? Vivre dans une cabane abandonnée? la vente d’enfants? le viol d’enfants mineurs?
Il ni a pas à dire Larry Brown sait emmener son lecteur avec douceur et intensité. Tout lentement, paragraphe par paragraphe où l’on apprend à connaître Joe, sa famille, ses amis d’une part et l’autre l’histoire de Gary avec ceux qui l’entourent. La misère et la pauvreté sont omniprésentes et donne un contexte idéal à l’histoire. Joe n’est pas gars sympa, il a plongé sa famille dans la misère car avec son argent, il le jouait et le buvait. Même maintenant, difficile de quitter les mauvaises habitudes mais on apprend de ces erreurs. C’est ce savoir qui le rend humain.
On pourrait croire que le sujet sera léger mais la misère ne l’ai jamais. Certes scènes sont légèrement écoeurantes d’autant plus que cela se passe aussi dans la réalité. Puis on croit rester sur sa fin, mais l’esprit continuer à penser à l’histoire, aux personnages… En fin de compte le livre ne quitte pas notre mémoire de lecture, il persiste. C’est avec un sourire en coin que je regarde le livre et c’est avec une certitude qu’il va rester dans ma bibliothèque.
Envie d’un voyage au coeur de l’Amérique bien noir pas loin de celle de Buck? N’hésitez pas à aller saluer Joe.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Un secret du docteur Freud
Auteur : Eliette Abécassis
Editeur : Flammarion
Il l’a guérie d’un mal-être profond créé par une enfance et une vie conjugale sous le signe de l’abandon. Elle est résolue à le sauver à son tour. Elle est l’héritière d’une famille dont le nom a retenti dans toute l’Europe au XIXème siècle. Il est le fondateur de la psychanalyse, chef de file d’un mouvement qui a révolutionné bon nombre de paradigmes établis. Marie Bonaparte, patiente, disciple et traductrice de Sigmund Freud s’est fixée une mission : protéger le célèbre psychanalyste des Nazis devenus maîtres de l’Autriche depuis l’Anschluss. Comment convaincre cet homme âgé et malade de partir ? Epistolier prolixe, le grand penseur ne s’est-il pas trop livré dans la correspondance passionnée qu’il a entretenue autrefois avec son meilleur ami ? Quel sort l’énigmatique Commissaire aux Affaires juives va-t-il finalement réserver à la famille Freud ?
Sans verser dans un discours trop expert qui pourrait perdre le lecteur, Eliette Abécassis réussit bien sûr à nous plonger dans les dernières années de la vie de Freud mais aussi à nous intéresser à la genèse intellectuelle de la psychanalyse dont Vienne fut le creuset.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Eux sur la photo
Auteur : Hélène Gestern
Editeur : Arlea
C’est parce que son père l’a effacée de la mémoire familiale, a verrouillé tous les souvenirs possibles et que ce secret l’étouffe au sens propre comme au sens figuré, qu’Hélène, 38 ans, veut savoir qui était sa mère, disparue alors qu’elle n’était qu’une petite enfant. Une photographie retrouvée dans les archives familiales, une annonce dans un journal et bientôt une correspondance avec un botaniste suisse établi à Londres qui a reconnu son père sur la photo où figure la mère d’Hélène. Une autre famille où le poids des non-dits a laissé des sillons ravageurs…
Un roman épistolaire avec une intrigue bien dosée (qui nous plonge dans la société du début des années 70, pas encore si libérée que ça) où s’intercalent des descriptions de photos, indices dans l’enquête mais aussi marqueurs du temps qui nous distillent leurs petites bouffées nostalgiques.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Martin Eden
Auteur : Jack London
Editeur : Libretto
L’amour est un puissant moteur. Pour devenir digne de Ruth Morse, jeune femme cultivée issue de la bourgeoisie d’Oakland, Martin Eden, marin de son état, bagarreur et séducteur de filles va chercher à s’élever au-dessus de sa modeste condition qu’il considère comme une glèbe dont il ne pourra s’extraire que par le savoir. Autodidacte acharné et méthodique, doté d’une prodigieuse intelligence, Martin assimile alors des connaissances impressionnantes en même temps qu’il ressent le besoin impérieux d’écrire, que ce soit de la poésie, de la prose romanesque voire des essais critiques et philosophiques. Mais éditeurs et magasines boudent ces écrits et Martin parvient difficilement à survivre. Pressé par sa famille et celle de Ruth de mettre ses nouvelles compétences au service d’un emploi rémunérateur, Martin s’arc-boute, convaincu de son talent. Esprit brillant, le jeune homme dépasse rapidement le niveau de réflexion et les valeurs des milieux bourgeois dont Ruth est si imprégnée. Quelle place Martin peut-il occuper dans cette société qui lui semble désormais si étriquée ?
Ecrit à bord du Snark, magnifique voilier destiné à faire le tour du monde, Martin Eden est sans conteste le roman le plus autobiographique de Jack London, cet auteur fascinant par sa vie et son œuvre.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Souvenir de l’amour, Chrysis
Auteur : Jim Fergus
Editeur : Pocket
A l’origine de ce roman, la découverte par l’auteur d’un tableau de 1925, nommé « Orgie » dont le peintre, tombé dans l’oubli est une certaine Chrysis, de son vrai nom, Gabrielle Jungbluth.
Intrigué par cette artiste et son œuvre, Jim Fergus retrace, de façon romancée, son parcours à partir de 1925, date à laquelle elle s’installe à Paris pour y suivre des cours de peinture auprès d’un professeur réputé. Libre, frondeuse, amoureuse de la vie, la jeune femme veut obstinément devenir un peintre accompli. Pour cela, elle plonge au cœur de Montparnasse et de sa vie nocturne, à la rencontre des artistes, des prostituées, explorant tous les plaisirs possibles.
Son chemin finit par croiser celui de Bogart Lambert, dit Bogey. Engagé dans la Légion étrangère en 1916, ce cow boy du Colorado, devenu le mythique « courrier cow boy » (il ne se sépare pas, même au front de son fidèle « crazy horse »), tente de se reconstruire après les traumatismes physiques et mentaux que la guerre lui a laissés.
Les deux jeunes gens vivent rapidement une relation amoureuse passionnée et épanouie.
Mais la vie libre et sensuelle de Chrysis dont l’évolution de son art est le témoin peut-elle longtemps s’accorder aux valeurs plus strictes de son milieu familial ?
Un livre plaisant car il retrace, assez fidèlement, l’ambiance du milieu artistique parisien des années 20 mais j’ai trouvé que l’intrigue manquait un peu de ressort.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Pietra viva
Auteur : Leonor de Récondo
Editeur : Sabine Wespieser
Printemps 1505, Michelangelo part pour Carrare. Il ne peut laisser à personne le soin de choisir les marbres destinés au tombeau du pape Jules II. La magnifique pietà a déjà établi la renommée de celui que le Saint Père qualifie de « génie ». Perturbé par la mort du moine Andréa à la beauté fascinante, le maître se replie encore plus sur lui-même. Pourtant, il comprend le difficile et périlleux labeur des carriers qui extraient les blocs de la montagne. Tourmenté, orgueilleux, le sculpteur se lie progressivement avec Cavallino dont la naïveté l’émeut et avec Michele, orphelin de mère comme lui. Des souvenirs enfouis et refoulés depuis l’enfance émergent, bouleversant sa manière de concevoir son art et son rapport à la « pietra viva ».
Un livre au rythme lent mais pas ennuyeux servi par une écriture souvent poétique.
Petite Balabolka a dit:
Titre : L’invité du soir
Auteur : Fiona Mc Farlane
Editeur : L’Olivier
Une maison à l’écart, adossée à la dune quelque part sur la côte australienne. Sa propriétaire, Ruth Field, 75 ans, un peu isolée elle aussi depuis la mort de son mari et l’éloignement de ses enfants devenus adultes. Ruth semble s’être résignée à la monotonie des jours, à la lenteur du temps. Mais perd-elle progressivement pied avec la réalité ? La vieille dame est persuadée qu’un tigre s’est invité la nuit dans son salon. Une aide-ménagère providentielle vient bousculer le quotidien de la fragile Ruth. L’impressionnante Frida s’impose vite comme indispensable. Entre les 2 femmes, une relation complexe se tisse, tantôt bienveillante mais souvent oppressante.
Un livre troublant qui questionne le lecteur sur les fragilités liées à l’âge. Une narration subtile assortie de transitions délicates entre le « réel » et l’irréel (ou le réel d’une femme dont la pensée devient confuse) : l’auteur a su présenter une frontière ténue entre ces deux états, ce qui rend ce livre fort singulier.
Petite Balabolka a dit:
Titre : L’heure du roi
Auteur : Boris Khazanov
Editeur : Viviane Hamy
Pas vraiment le genre « livre pour l’été » , c’est ce qui m’a fait le choisir, petit livre isolé, perdu parmi d’autres aux titres commerciaux et aux couvertures smarties. Je voulais de la pensée au cordeau et je n’ai pas été déçue par ce texte concis et efficace dont on mesure la portée universelle à chaque page.
1940 : l’irrépressible Wehrmacht se rend maître en quelques heures d’un royaume minuscule (non identifié mais l’éclairante postface nous apprend qu’il s’agit d’un « mixte du Danemark et des Pays-Bas »). Gouvernement, population sont obligés de se soumettre et on attend la même docilité du vieux roi, Cédric X, chef d’une monarchie désuète mais familière. Urologue de métier (oui, il travaille), le monarque est une figure rassurante, gage de stabilité et de bons sens dans cette période troublée. Pourtant, à l’image de sa jeune cavalerie qui s’est sacrifiée par héroïsme qu’elle savait voué à l’échec, le vieux roi s’apprête à faire un geste insensé, (d’aucuns diront absurde). Absurde ou symbolique ?
Ecrit en 1976 par un dissident soviétique et lu sous le manteau, ce récit peut être compris à l’aune d’une autre oppression ou de toute forme de totalitarisme.
Petite Balabolka a dit:
Titre : La vie parfaite de William Sidis
Auteur : Morten Brask
Editeur : Presses de la cité
La vie parfaite et malheureuse d’un homme trop intelligent pour être heureux. Ce roman est basé sur l’histoire vraie du plus grand génie (inconnu) du XXème siècle. Poussé par ses parents qui lui prodiguent une éducation innovante, le petit William devient presque un phénomène de foire lorsqu’il intègre Harvard à 11 ans et propose une théorie révolutionnaire. Livre qui plaira aux scientifiques, aux matheux mais aux autres aussi.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Expo 58
Auteur : Jonathan Coe
Editeur : Gallimard
Que se cachait-il dans les coulisses de l’exposition universelle de Bruxelles en 1958 ? Ce roman de Jonathan Coe (déjà excellent avec son Bienvenue au club) vous propose de le découvrir. Vous y trouverez, mêlées de façon si « britishement » délicate, la grande Histoire (Guerre froide, rivalités, espionnage…) et les tribulations du héros, Thomas Foley, envoyé par son ministère, tenir le pub Britannia du pavillon britannique et échappant ainsi à une vie de couple morose dans la banlieue londonienne.
Pour ceux qui ont envie de se plonger dans le charme un peu suranné des années 50…
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le mystère Sherlock
Auteur : J.M Erre
Editeur : Buchet Chastel
Des spécialistes du célèbre détective se retrouvent bloqués dans un chalet suisse à cause d’une avalanche. Ambiance pesante car tous sont en concurrence pour obtenir la chaire d’holmésologie !
Mais alors qu’aucune issue ne semble possible, un meurtre a lieu, un, puis deux, puis trois…
Cela vous rappelle quelque chose ?
Dans un style particulièrement drôle, JM Erre réussit la prouesse de rendre hommage à la fois à Agatha Christie et à Sir Arthur Conan Doyle ! Savoureux !
Petite Balabolka a dit:
Titre : La garçonnière
Auteur : Hélène Grémillon
Editeur : Flammarion
Les lecteurs du Confident ne seront pas déçus par ce deuxième ouvrage d’Hélène Grémillon qui confirme son talent. Le schéma narratif très subtil vous emporte dans une intrigue haletante : une enquête pour disculper de l’homicide de son épouse, un célèbre psychanalyste, des traumatismes multiples dans cette Argentine des années 80, pas encore remise du sanglant passage de la Junte…
Attention, certains passages peuvent heurter…
Vous ne comprendrez le titre qu’à la dernière page…
Petite Balabolka a dit:
Titre : Les invasions quotidiennes
Auteur : Mazarine Pingeot
Editeur : Julliart
Qu’est-ce qui rend la vie de Joséphine Fayolle si compliquée ? Son ex, culpabilisant, envahissant et hypocondriaque (oui, ça fait beaucoup…) ? Le stress de ne pas être à la hauteur des attentes de son nouveau directeur de collection ? Le peu d’humour de son banquier face à son découvert ? Sa volonté d’être une bonne mère pour ses 2 enfants qu’elle s’efforce de préserver et d’éduquer sans pension ? (que le lecteur masculin se rassure, l’auteur ne verse pas dans la misandrie (oui, j’ai cherché le pendant de misogynie) car si le portrait de l’ex est gratiné, celui de la mère de l’héroïne est peut-être encore plus féroce). Engluée dans un quotidien pesant (illustré par l’épisode rocambolesque du lave-vaisselle), Joséphine doute, gaffe, intellectualise jusqu’à ses SMS mais cherche à avancer sur tous les fronts, en tant que mère, auteur et amoureuse.
Je ne sais pas ce qui rassure le plus : ses loupés (décomplexant) ou ses réussites (alors, c’est possible…)
Un clin d’œil amusant à sa filiation paternelle par le biais d’un labrador, chien présidentiel mais un clin d’œil seulement, pour connaître l’autre histoire, il faut lire Bon petit soldat.
Un parti pris comique (qui fonctionne) où pointent des banderilles plus réflexives.
Comme un léger style à la Jaenada par certaines parenthèses très réussies ou certaines remarques bien senties.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Excursions dans la zone intérieure
Auteur : Paul Auster
Editeur ; Actes Sud.
Remarque : le livre est suivi d’un album de 107 photos.
Après Chronique d’hiver où Paul Auster s’était lancé dans l’exercice de la biographie sous « l’angle du corps et de la sensation » (je cite la 4ème de couverture), le célèbre écrivain de Brooklyn récidive avec un deuxième opus où il explore la genèse de son paysage mental. Il poursuit avec l’emploi du « tu » (j’avoue avoir eu un peu de mal à m’y habituer) et nous embarque dans l’Amérique des années 50 et 60 : sport (notamment et longuement, le base-ball…), cinéma, lectures, contexte politique, vie étudiante marquée par la guerre du Viet Nam : vous aurez un tableau complet, intelligent, sensible.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Les mille et une gaffes de l’ange gardien Ariel Auvinen
Auteur : Arto Paasilinna
Editeur : Denoël
Malgré une solide formation dispensée dans la splendide église de Kerimäki en compagnie de 500 élus comme lui, Ariel Auvinen a bien des difficultés pour s’acquitter de sa nouvelle mission, celle d’Ange gardien. Il faut dire que le respectable professeur de religion a de son vivant déjà accumulé malchances ainsi que maladresses et ces dispositions semblent toujours l’accompagner dans ses nouvelles fonctions célestes. Heureusement, consciente du problème, sa hiérarchie lui a confié un cas facile : Aaro Korhonen, un fringant quadragénaire, sûr de lui et doté d’une très riche expérience professionnelle. Tout devrait donc bien se passer. C’est sans compter sans le zèle d’Ariel, paré des meilleures intentions vis-à-vis de son protégé. Les initiatives malencontreuses de l’Ange gardien novice vont bientôt contrecarrer tous les projets d’Aaro…
Un paasilinna plus urbain que les précédents (l’essentiel de l’action se déroule à Helsinki) mais au style tout aussi désopilant et attachant.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Dans les rapides
Auteur : Maylis de Kerangal
Editeur : Folio
Elles sont trois, trois inséparables copines. Elles ont 15 ans et vivent au Havre, cette ville reconstruite qui semble se chercher et vouloir se (re)définir, tout comme elles. L’ennui en province qui s’étire…Elles traînent entre la maison, le lycée, le café. Et soudain, par hasard, l’album Parallel lines de Blondie fait irruption dans leurs vies. Debby Harry, égérie platine du groupe avec qui on la confond souvent, sera désormais leur modèle et rock sera leur attitude. Une musique comme une revendication, comme une nécessité : « rock rock rock. Le mot est gros comme un poing et rond comme un caillou ». Fascinées par cette fille qui a su s’imposer dans cet univers masculin, les 3 ados analysent le moindre détail des pochettes, discutent, comparent, cherchent, se renseignent du côté des disquaires (nous sommes en 1978) et des garçons (« puisque le rock passe par les garçons »).
Un livre court, organisé en 11 chapitres, reprenant chacun un titre du fameux Parallel lines, une écriture en forme de flots, des juxtapositions pertinentes et énergiques qui donnent bien l’impression d’être « dans les rapides »* : un style davantage qu’une histoire.
* en cela, très différent de la lenteur de Naissance d’un pont, du même auteur.
Petite Balabolka a dit:
Titre : La langue des oiseaux
Auteur : Claudie Hunzinger
Editeur : Grasset
Nul besoin d’être amateur d’ornithologie pour apprécier ce livre à l’histoire originale. Si le chant des oiseaux est bien présent, l’héroïne ayant décidé de se retirer dans une cabane au fond des Vosges et rencontrant donc davantage d’ habitants ailés que d’humains, ce n’est pas ce langage-ci qui occupe la place première. Par « langue des oiseaux », il faut comprendre cette langue secrète, considérée comme sacrée, sorte de métalangage à décoder pour découvrir un sens plus profond (on trouvera aisément de meilleures explications en cherchant un peu ; j’ai fait comme j’ai pu).
En effet, depuis son abri vosgien, Zsa Zsa, romancière et traductrice est séduite par de très étranges poèmes numériques qui accompagnent (là, il fallait y penser !) la vente de vêtements d’occasion d’une célèbre marque japonaise, le tout, via une plateforme d’enchères en ligne, bien connue également. Derrière les poèmes et son pseudo, se cache Sayo, japonaise en fuite et réfugiée au Havre.
Autant dire que l’on a un peu de mal à se situer mais est-ce si important, puisque, on le sait, « Le monde est un village ».
Les deux femmes finissent par se rencontrer et confirmer leur amitié née sur la blogosphère, tout en restant toujours aussi énigmatiques voire inquiétantes l’une pour l’autre. Le reste de la confrontation est donc assez étrange.
Un livre d’une belle profondeur et d’une grande qualité poétique dont je percevrai mieux, je l’espère, « la (sa) langue des oiseaux », après avoir lu d’autres titres du même auteur.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le seuil du jardin
Auteur : André Hardellet
Editeur : Gallimard, collection L’Imaginaire
Il fait partie de ces auteurs oubliés (les « ensablés » de la littérature comme les surnomme Hervé Bel dans l’excellent blog qu’il leur consacre) et sans le conseil d’un libraire, le désensablage est quasi impossible. Mais pour cela, il faut avoir de bons libraires : ouf, c’est mon cas !
La Collection L’Imaginaire chez Gallimard œuvre aussi beaucoup en matière de désensablage. D’aucuns diront que c’est une grande maison et que c’est son rôle. Mais je persiste à trouver la démarche courageuse à l’heure du consumérisme effréné.
Parler de l’auteur et de son éditeur m’évite de parler du livre lui-même qui n’est pas des plus simples à chroniquer. Il est question d’une pension de famille tenue par maman Temporel avec présentation de ses occupants. Parmi eux, Stève Masson (Hardellet l’utilisera par la suite comme pseudonyme pour un autre livre), peintre dont le talent commence enfin à être reconnu mais dont le caractère est assombri par une quête difficile : « Je cherche toujours ce qu’il y a derrière mes tableaux ou derrière l’intention […] L’autre côté des choses, le but secret. » Il y parvient avec la toile nommée « Le seuil du jardin » (au moins, j’aurai expliqué le titre), expression d’un rêve récurrent le plongeant à chaque fois dans une béatitude addictive.
Un autre personnage fait alors son entrée dans l’histoire et la pension, Monsieur Swaine, professeur de philosophie en retraite. Terriblement secret (il fait poser des serrures sur toutes ses portes), celui-ci suscite aussitôt la curiosité méfiante des autres pensionnaires sauf celle de Masson, trop tourné vers lui-même et son art. La nuit, une étrange machine fait entendre son ronronnement. On apprend, après quelques péripéties, qu’il s’agit d’une sorte de lanterne magique permettant de fabriquer les rêves et de renouer avec les souvenirs. Masson et Swaine se rejoignent bien évidemment sur cet intérêt commun.
Cependant une telle machine apparaît pour certains comme une menace pour la société…
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le météorologue
Auteur : Olivier Rolin
Editeur : Seuil Paulsen
C’est sans doute parce qu’elle est à la fois authentique et « ordinaire » que cette histoire est bouleversante. Cette histoire qu’Olivier Rolin s’efforce de raconter « scrupuleusement », « sans romancer » est celle d’Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, météorologue dans l’URSS des années 30, pris dans les rets de la terreur « ordinaire » dès 1934 puis dans ceux de la Grande Terreur en 1937.
Lors d’une de ses visites en Russie, pays qui attise sa curiosité, son « tropisme », l’auteur a été ému par une série de dessins et d’herbiers, réalisés par Vangengheim entre 1934 et 1937 au cours de sa détention dans le camp des îles Solovki. Emu car ces dessins sont ceux d’un père à sa fille, d’un père qui veut continuer à éduquer son enfant à distance ; ému car celle-ci continuera d’honorer, notamment en éditant les dessins sous forme d’album, la mémoire de celui que la répression stalinienne lui a pris bien trop tôt. Eléonora n’a même pas 4 ans lorsque son père est accusé de « sabotage économique » à grands renforts de faux témoignages et d’une procédure à charge dont on connaît bien aujourd’hui les terribles rouages.
Pourtant, le météorologue s’efforce de ne pas désespérer et réaffirme sa foi dans le Parti, multipliant les lettres de protestation. Lui qui, noble de naissance n’a pas voulu émigrer en 1917, lui qui a consacré des heures interminables de travail à la construction d’un service météorologique unifié dont les prévisions bénéficient à une agriculture malmenée par les effets de la collectivisation, lui qui sait guider, à travers les glaces, les expéditions polaires, qui a déjà compris tout l’intérêt que vents et soleil pourraient apporter en matière d’énergie, qui a contribué à la grande aventure des aérostats, pionniers de la conquête de l’espace, bref, lui qui a participé avec passion à cette grande espérance née de la Révolution de 1917, cette « utopie », « en passe de devenir réalité », ne peut se résoudre à se croire complètement abandonné et finalement livré à un sort funeste, au fond d’une forêt, en compagnie de 1110 autres « rastrelian » (fusillés).
Cet espoir déçu émeut et interpelle Rolin dans son parcours personnel. Il le reconnaît avec honnêteté. Ancien militant, il appartient à une génération pour qui cet idéal avait un sens. On comprend mieux pourquoi la trajectoire tragique de Vangengheim, comme celles de milliers d’autres victimes (dont plusieurs noms sont rappelés en forme d’hommage) a pu, à ce point, entrer en résonance chez lui.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Ce que je sais de Vera Candida
Auteur : Véronique Ovaldé
Editeur : J’ai lu
Dans une île imaginaire que l’on peut situer en Amérique latine, trois générations de femmes sont confrontées à la même destinée : avoir un enfant sans l’avoir désiré et l’élever seule. C’est donc une galerie de famille qui nous est proposée :
Rose (on commence par son histoire) donne le ton. C’est une femme forte, pragmatique. Prostituée dans sa jeunesse, elle choisit de se reconvertir en pêcheuse de poissons volants. Séduite (ou kidnappée ?) par un brigand, Jeronimo qui se révèlera un individu de plus en plus sordide, elle devient mère dans la quarantaine alors qu’elle pensait ne jamais être concernée par la maternité. Violette, la fille, devenue mère à 15 ans de Vera Candida, incapable de l’élever pour cause de retard mental et d’alcoolisme. Vera Candida, recueillie par Rose, est celle sur qui les espoirs reposent. Enceinte à 15 ans, elle décide de quitter Vatapuna, pour rompre avec cette fatalité contre laquelle sa grand-mère l’avait pourtant mise en garde. Départ pour Lahoméria, la ville du continent où elle met au monde la petite Monica Rose. Un temps hébergée dans un foyer pour mères célibataires puis dans un immeuble communautaire, elle s’efforce de se construire un avenir mais ferme son cœur aux hommes dont il faut décidément se méfier. Elle reste insensible à la cour appuyée que lui réserve le journaliste Itxaga (pseudo Billythekid…), sorte de chevalier servant de la cause des femmes. Plusieurs années s’écoulent avant que Vera Candida se sente digne du bonheur qui lui est proposé. Désormais, Itxaga sera son grand amour, son compagnon et le père de sa fille.
Pourtant, c’est à Vatapuna qu’elle décide de revenir, seule, à l’annonce de sa maladie. Retour aux origines, à l’île-matrice, c’est en fait le topos par lequel commence le roman, 24 ans après le départ de Vera Candida.
Un roman vif qui aborde sans détours, des thèmes difficiles concernant la condition féminine ; une très belle évocation de l’amour maternel en tant que force rédemptrice ; un roman qui invite, avec bonheur, aux grands écarts entre le caractère terrien de Rose (et pourtant, elle pêche…) et l’incongruité de certaines situations, entre la force qu’il dégage et la nostalgie qui s’y fait une place, le tout dans un décor latino-américain parfaitement assumé (dans sa géographie et son passé) : quel talent !
Pourquoi ne l’ai-je pas lu plus tôt…
Petite Balabolka a dit:
Titre : 6h41
Auteur : Jean-Philippe Blondel
Editeur : Pocket
Le hasard d’une place laissée libre dans un train bondé et deux anciens amants se retrouvent confinés dans la promiscuité de l’autre sans vouloir avouer qu’ils se sont reconnus. Le temps du trajet de ce 6h41, chacun se lance alors dans un monologue intérieur, retraçant, depuis les 27 années écoulées, son parcours, appréciant ou regrettant son évolution. Et si les stigmates laissés par cette liaison a priori banale avaient en fait orienté leurs vies ? L’ introspection de ces personnages, déjà entre deux âges, à l’image de ce train entre deux villes, est touchante d’humanité dans sa justesse : analyse honnête, inventaire des petites résignations ordinaires comme des victoires sur soi et c’est avec délicatesse que Jean-Philippe Blondel leur accorde sa bienveillance, davantage peut-être pour le chemin restant que pour celui déjà accompli.
Chatterbox a dit:
Merci Petite Balabolka pour cette chronique qui me donne envie de découvrir cette belle saga !
Petite Balabolka a dit:
Vous voulez parler de Vera Candida, je suppose ? La chronique de 6h41 a dû s’intercaler…
Oui, c’est un excellent livre que j’ai dévoré en deux jours. Du coup, ça me donne envie de lire son dernier, « La grâce des brigands ». Si quelqu’un a un avis, je suis preneuse.
Chatterbox a dit:
Oui, en effet, mon commentaire ne s’est pas positionné au bon endroit. Je commence la lecture de Vera Candida dès ce soir. Je m’en régale d’avance.
Petite Balabolka a dit:
Titre : La femme au carnet rouge
Auteur : Antoine Laurain
Editeur : Flammarion
Antoine Laurain a le don de nous emmener avec lui dans son intrigue (J’avais déjà adoré Le chapeau de Mitterrand). Sans verser dans le fétichisme, il part d’un objet, en l’occurrence un sac à main, et remonte la piste jusqu’à sa mystérieuse propriétaire.
Le « découvreur » du sac abandonné est en fait un sympathique libraire, Laurent, qui n’a pour seuls indices que le contenu du sac, vidé bien sûr de tout élément éponyme. Pourtant, les objets du sac livrent tous quelque chose de l’histoire de cette femme, notamment ce fameux carnet en moleskine rouge qui contient ses pensées.
On suit Laurent dans son parcours d’enquêteur, d’abord simplement préoccupé de restituer ce sac qu’il devine volé puis intrigué et finalement séduit par Laure (oui, c’est ainsi qu’elle s’appelle, comme la promesse d’une résonance entre eux..) dont il devine toute la délicatesse.
C’est avec beaucoup de sensibilité qu’Antoine Laurain aborde la construction du sentiment amoureux. L’intrigue, bien dosée, modifie progressivement sa focale entre « pourra-t-il lui rendre son sac ? » et « vont-ils s’aimer ? » (ce que l’on espère vivement tant les personnages sont attachants).
Quand je repense à ce livre, j’ai bien sûr le sentiment d’avoir lu une belle histoire et ça peut paraître incroyable, j’ai immédiatement deux impressions olfactives associées : l’odeur du cuir de ce sac à main (mauve !) et l’odeur poudrée du parfum de cette femme.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Charlotte
Auteur : David Foenkinos
Editeur : Gallimard
Elle est son obsession depuis des années. Il a retracé sa vie patiemment, parcourant les lieux qu’elle a occupés, enquêtant auprès des descendants de ceux qui l’ont connue mais cette relation fusionnelle au personnage a rendu l’écriture impossible. Seul un parti-pris formel assez radical a pu sauver l’auteur de cette « oppression » paralysante : une phrase correspond à une ligne (« pour respirer » nous avoue-t-il) donnant ainsi au roman la silhouette d’un poème. Poème, hommage à Charlotte Salomon, artiste peintre, morte à Auschwitz en 1943 à l’âge de 26 ans. De l’enfance jusqu’à son arrestation en France et l’issue fatale qui semble d’autant plus inéluctable qu’elle est alors enceinte, nous suivons le parcours courageux de cette jeune femme : sa résilience pour surmonter les suicides familiaux qui l’entourent et notamment celui de sa mère, sa volonté pour s’affirmer en tant qu’artiste alors que les nazis interdisent aux juifs, l’ accès, entre autres, à la culture, son envie de vivre intensément son histoire d’amour avec Alfred, le professeur de chant.
Cette histoire forte nous empoigne et ce, d’autant plus que l’auteur associe le lecteur à sa quête de Charlotte, intégrant dans le roman et sans déroger à la forme choisie, des éléments de ses recherches. Un livre qui donne envie de découvrir l’œuvre de cette artiste, œuvre dont les conditions de création sont largement partagées dans le roman(« Une création au bord du précipice ») : plusieurs dessins et croquis d’inspiration autobiographique, intégrant textes et musique et réunis sous le titre, Vie ? ou Théâtre ?, une œuvre que Charlotte parvient à protéger et à transmettre comme un défi à son destin. Défi ou ultime résilience ?
librairieapostrophe a dit:
Signalons que Charlotte a depuis obtenu le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des Lycéens 2014. Merci pour cette chronique !
Petite Balabolka a dit:
Titre : Déloger l’animal
Auteur : Véronique Ovaldé
Editeurs : Actes Sud puis J’ai lu
Météore ou uppercut ? J’hésite encore mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la lecture de ce livre m’a chavirée.
Comme dans « Ce que je sais de Vera Candida » (oui, j’ai commencé mon parcours Ovaldé avec celui-là), j’ai retrouvé avec bonheur l’improbabilité des lieux présentés avec un talent tel que cette géographie fictive devient matière littéraire et source d’émotions. J’ai aimé le côté « boule à facettes » des personnages : la Maman Rose qu’on imagine en princesse, même au bord du caniveau, scintillante avec sa perruque en nylon, inaccessible sur ses hauts talons, fascinante parce qu’insaisissable.
Sa fille, Rose, elle aussi (« Pas Rose bis, pas Deuxième Rose, pas Bouton de Rose… »), 15 ans mais ayant l’apparence et les préoccupations d’une enfant de 7, en adoration devant sa mère, passant l’essentiel de son temps sur le toit terrasse, en compagnie de ses lapins (qu’elle mange quand même !), vêtue le plus souvent d’une cape noire avec laquelle elle pense pouvoir voler (et tente de le prouver…).
Monsieur Loyal, directeur d’un cirque qui n’en est pas un, père d’adoption selon Rose, dont la bonhomie finit par être inquiétante.
Madame Isis, la voisine, chignon acrobatique, tenues chatoyantes, univers de papillons, qui devient la meilleure amie de Rose et sa confidente après la disparition de Maman Rose.
Oui, Maman Rose a disparu alors que sa fille était à l’hôpital (non sa cape n’avait pas de supers pouvoirs) et c’est parce qu’elle ne supporte pas la mollesse avec laquelle Monsieur Loyal considère cette disparition , que Rose tente de trouver une réponse dans le passé de sa mère qu’elle reconstitue et invente tout à la fois.
L’écriture d’Ovaldé est comme une clé qui nous conduit dans les pensées de cette grande petite fille fantasmant l’histoire de sa mère et la sienne par la même occasion, pour mieux repousser son désespoir. Une écriture avec un savant dosage de candeur, de poésie, de brutalité, de rêve et de préoccupations décalées. Une écriture qui fascine, déconcerte et « uppercut(e) ».
Petite Balabolka a dit:
Titre : L’amour et les forêts
Auteur : Eric Reinhardt
Editeur : Gallimard
Il est rare qu’un livre me fascine tout en me laissant un profond sentiment de malaise. C’est pourtant ce que j’ai ressenti à la lecture de « L’amour et les forêts », mon premier Reinhardt. Je ne connaissais pas cet auteur et j’ai tout de suite apprécié cette belle écriture, sophistiquée, ciselée, au service d’une réflexion fine et profonde, le tout avec un procédé narratif bien dosé où l’écrivain se met en scène lui-même mais juste ce qu’il faut. L’héroïne reste bien Bénédicte Ombredanne, cette jeune femme cultivée, sensible, autrefois pétillante mais éteinte depuis qu’elle a épousé un homme qui s’emploie à l’humilier constamment. Ce livre m’a tiraillée dans tous les sens. J’ai été exaspérée que Bénédicte ne se révolte pas plus devant les vexations quotidiennes subies, j’ai presque eu la nausée à la lecture de la logorrhée d’insultes et de reproches qui s’abat sur elle après son escapade, j’ai savouré avec elle toutes les embellies qu’elle a réussi à obtenir de haute lutte, même temporairement (notamment un magnifique passage sur le plaisir de l’écriture), et puis je l’ai admirée, pas pour ses choix de vie, mais pour sa soif d’absolu, d’intensité, sa volonté de percevoir le beau et le sensible pour donner chaque jour un sens à sa vie. Une véritable héroïne romanesque égarée dans un monde contemporain trop rationnel et abrupt pour elle.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Autorisation de pratiquer la course à pied
Auteur : Franck Courtès
Editeur : Jean-Claude Lattès
Directement inspiré par « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond » de Haruki Murakami, le titre qu’a choisi Franck Courtès pour son premier ouvrage est un clin d’œil à leur passion commune, vécue comme un exercice initiatique voire rédempteur.
C’est donc tout naturellement à la course à pied et aux motivations intimes qui permettent d’endurer un tel effort qu’est consacrée la première nouvelle de ce recueil qui en compte 19.
19 nuances autour des sentiments humains, servies par une écriture sobre mais juste. Les joies de l’enfance, l’amitié, la volonté d’être de bons parents, le couple, nouveau ou usé, les premières amours… Franck Courtès analyse les ressorts qui nous anime (pas tous grandioses mais touchants dans leur aspect ordinaire car sincères) sans oublier les loupés, les résignations voire les lâchetés dont certaines ont parfois des conséquences dramatiques.
Dans « Chroniques de mon restaurant japonais favori » déclinées de manière ternaire, il adopte la posture de l’observateur (le photographe en lui n’est jamais bien loin) et aborde avec pudeur mais pourtant sans détour, la question du regard posé sur le handicap.
Dans ce recueil de nouvelles, Franck Courtès esquisse aussi le personnage principal de son futur roman (« Toute ressemblance avec le père ») en accordant une place récurrente à un certain Romain, photographe de son état…
Le monde de la photographie peut se désoler, le monde de la littérature se réjouir, un auteur est né et il a des choses à nous dire !
librairieapostrophe a dit:
Merci pour cette très belle chronique d’un excellent recueil, et plus généralement pour vos avis postés ici.
Petite Balabolka a dit:
Titre : L’île du Point Némo
Auteur : Jean-Marie Blas de Roblès
Editeur : Zulma
Ce livre est un véritable feu d’artifice : des fusées colorées qui racontent chacune leur histoire et dont on pressent qu’elles vont finir par crépiter ensemble pour nous livrer une apothéose scintillante des plus inouïes.
D’un point de vue plus rigoureux, il s’agit d’un procédé de mise en abyme ou plutôt de « mise en abysse » car avec « Némo » dans le titre, on s’attend quand même à embarquer dans le fameux Nautilus.
Revenons à nos élucubrations pyrotechniques. De toutes façons, la rigueur ne sied pas à ce roman foisonnant. Le récit enchâssé (dont on se demande d’ailleurs s’il n’est pas « châsse » lui-même tant il prend la première place) est une histoire à la fois lue et imaginée par Arnaud Méneste, dans la plus pure tradition des lectures orales qui accompagnent le travail des cigarières caribéennes. C’est la fusée la plus brillante de l’ensemble. Elle tient à la fois de la poursuite d’un trésor et du tour du monde, à la Jules Verne bien sûr. Son éclat se nourrit d’érudition (désormais, je sais ce que signifie « apocoloquintose »), de rebondissements et d’une inventivité débridée, le tout dans un espace-temps dont on finit par deviner qu’il se place dans un futur masqué par les habits du passé. Tous les moyens de locomotion (sur terre, sur mer et dans les airs, selon la formule consacrée) sont convoqués pour servir cette odyssée frénétique dans laquelle sont embarqués Martial Canterel, gentleman opiomane, un certain Holmes dont le prénom n’est pas Sherlock, une gouvernante efficace, un majordome qui lui rend la pareille, une lady plantureuse et sa fille ensommeillée.
Les fusées « secondaires » sont constituées par les histoires respectives des employés et du directeur de B@bil Books, une usine d’assemblage de liseuses numériques qui s’est installée dans les locaux d’une fabrique de tabac après sa faillite. En effet, malgré les efforts d’Arnaud et de son épouse Dulcie, le cigare du Périgord ne trouve pas preneur. L’exotisme lui fait défaut. Evidemment, censées se dérouler dans la « vraie » vie, leur éclat est terni par la glèbe du quotidien. Ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher le merveilleux mais peu importe, l’autre histoire en fournit suffisamment.
Prémices d’un crépitement concerté, un pigeon traverse, en bon voyageur, les deux histoires. Elles finissent par fusionner, au terme «d’une longue approche en hélice».
Je ne suis pas sûre d’avoir saisi tous les ressorts de ce roman qui m’a fait penser à un cabinet des merveilles. J’en perçois les clins d’œil. Ils sont lumineux d’intelligence, de fantaisie, d’hommages rendus aux auteurs, aux lecteurs et aux livres (avec couverture, pages, encre…). Oui, une véritable symphonie colorée, cette « île du Point Némo ».
Petite Balabolka a dit:
J’ajoute quelques précisions apportées par l’auteur lui-même cet après-midi. Merci pour cette formidable rencontre !
C’est la tradition de lecture orale dans les fabriques de cigares qui a été le point de départ de ce roman. Davantage qu’une mise en abyme, Jean-Marie Blas de Roblès précise qu’il obéit à une structure en spirale puisque les deux histoires finissent par se rejoindre. Mais, avant même la fin du roman, il crée des ponts, une sorte de capillarité qui permet de passer de l’une à l’autre (par exemple, le pigeon voyageur, la somnolence de Verity et le coma de Dulcie…).
Chaque chapitre est en fait conçu comme une nouvelle avec son rebondissement et sa chute.
L’intention première de l’auteur n’est pas de délivrer un message (même s’il en délivre bien un, ne voulant pas être un pastiche de livres d’aventures). L’auteur veut avant tout raconter une histoire en faisant « étinceler » la langue (bon, j’ai bien fait de parler de feu d’artifice). Chaque phrase est ainsi travaillée pour atteindre la musicalité souhaitée.
Et que dire de la documentation que s’impose Jean-Marie Blas de Roblès pour savoir de quoi il parle !
J’ai eu le sentiment d’avoir à faire à quelqu’un d’une honnêteté absolue, un écrivain qui n’est prêt à aucune compromission par rapport à son métier (il emploie d’ailleurs le mot « trahison ») : en ces temps où les intérêts financiers dictent souvent leur loi, c’est rassurant d’entendre ça !
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le vrai lieu
Auteur : Annie Ernaux
Editeur : Gallimard
Attirée par le bandeau rouge et ses lettres en capitales, j’ai emporté le livre sans me poser de questions et sans regarder la 4ème de couverture (je la consulte rarement, il est vrai). Le nom de l’auteur, efficace dans sa sobriété, a agi comme un aimant. S’il s’était agi d’autre chose que d’un livre, j’aurais fulminé longuement sur ma méprise car en l’ouvrant, j’ai réalisé qu’il ne s’agissait pas du dernier roman d’Annie Ernaux mais d’un livre d’entretiens. Je n’ai cependant eu aucune raison d’être déçue. Bien au contraire, j’ai vraiment apprécié les propos de cette femme intelligente qui analyse son rapport à l’écriture et ne se défile pas, même lorsque celui-ci relève de l’intime. Rien de clinquant chez Annie Ernaux mais un regard lucide sur son parcours d’écrivain qui, bien qu’elle explore longuement dans ses livres la question féminine, ne veut pas être considérée comme une femme qui écrit mais comme quelqu’un qui écrit. Et ne lui parlez pas non plus d’autofiction, le sujet la fâche et, pour être au plus juste, je préfère la citer : « Je n’ai jamais eu envie que le livre soit une chose personnelle. Ce n’est pas parce que les choses me sont arrivées à moi que je les écris, c’est parce qu’elles sont arrivées, elles ne sont donc pas uniques. Dans « La Honte », « la Place », « Passion simple », ce n’est pas la particularité d’une expérience que j’ai voulu saisir mais sa généralité indicible ». Mais les questions posées par Michelle Porte s’intéressent d’abord aux lieux, à commencer par la ville où habite Annie Ernaux depuis 34 ans, Cergy Pontoise, qu’elle défend contre les préjugés qui prétendent la qualifier. Cergy entre ville et campagne, « entre deux », un peu comme une disposition idiosyncratique de cette femme, originaire d’un milieu modeste et accédant par les études à un environnement plus bourgeois, plus cultivé. Transfuge social (elle emploie l’expression) Annie Ernaux a mis du temps pour gérer cette déchirure , pour accepter la séparation qui accompagne l’accès au savoir intellectuel. Son premier livre, « Les armoires vides » est empli de cette colère. « Violence exhibée » encore pour les deux suivants « Ce qu’ils disent ou rien » et « La femme gelée ». Apaisement sans doute avec « La Place » où elle évoque son père en disant « il » et choisit, pour éviter les écueils du misérabilisme ou du populisme, une « écriture factuelle » expurgée de tout affect. Pour Annie Ernaux, le danger réside avant tout dans la forme choisie (« C’est la forme qui bouscule, qui fait voir les choses autrement »). D’ailleurs, elle reconnaît avoir peiné à trouver celle qui convenait pour « Les Années », une structure très impersonnelle, dont elle était convaincue de la justesse tout en étant persuadée d’avoir rendu le livre « illisible ».
A la fin de l’entretien, Annie Ernaux confie à Michelle Porte, avoir surpris un jour, les propos d’un conseiller culturel affirmant qu’elle ne savait pas parler de ses livres. Il est clair que cette femme discrète n’est pas à l’aise avec l’exercice, écrire obéit pour elle à une nécessité et lui donne le sentiment d’un accomplissement. Pour le moins, elle sait parler de son écriture, son « vrai lieu ». C’est sans nul doute tout aussi intéressant.
Petite Balabolka a dit:
Titre : La Mémoire de riz
Auteur : Jean-Marie Blas de Roblès
Editeur : Zulma
Conditions idéales pour apprécier « La Mémoire de riz » : vieux fauteuil, feu dans l’âtre, ambiance feutrée (en version hivernale ce qui, à mon sens, lui sied davantage). Que l’on ne se méprenne pas, cette recherche de quiétude n’est pas là pour amener le lecteur vers une douce torpeur (toutes ses facultés seront largement sollicitées) mais elle correspond à l’ambiance de contes que nous donne à savourer Jean-Marie Blas de Roblès au travers de ces nouvelles. Savourer, en effet, chaque histoire m’a donné la sensation de déguster une part de gâteau au chocolat fort nourrissant (pour autant, le propos n’est ni doucereux ni sucré…). Richesse incontestable de la langue d’abord, phrases ciselées, érudition maitrisée, vocabulaire recherché (des mots presque oubliés que l’on découvre ou redécouvre avec plaisir) ; fertilité de l’imaginaire convoqué qui nous éloigne sans conteste d’un quotidien contemporain pour nous plonger dans un merveilleux (pas toujours joyeux) à temporalité universelle. Qu’elles soient contées, entre autres, par une antiquaire tactile, un joueur d’échecs passionné ou un perroquet désabusé, ces 22 nouvelles jouent sur plusieurs gammes : les illusions et les hallucinations apportent la part de fantastique et de mystère (impossible à chaque fois de deviner la chute), le descriptif n’est pas en reste, soutenu par un vocabulaire des plus précis, les préoccupations des personnages interrogent de grandes questions universelles voire philosophiques, les lieux nous transportent d’un continent à l’autre, la temporalité est volontairement brouillée.
Je ne les ai pas toutes appréciées de manière égale (ou pour être honnête, je ne les ai pas forcément toutes comprises comme il se doit…), j’ai trouvé que certaines nouvelles étaient trop sombres mais l’ensemble est, comment dire, relevé, foisonnant, subtil. Mentions spéciales pour la nouvelle éponyme du recueil, une vraie petite merveille et pour la dernière, « L’Oncle Félix », nouvelle lumineuse, résolument positive malgré l’adversité (le prénom n’est pas choisi par hasard).
J’aurais dû démarrer ma découverte de Jean-Marie Blas de Roblès avec cet ouvrage (c’est son premier, écrit en 1982). J’aurais ainsi mieux pris mon élan pour apprécier « L’Île du Point Némo ». Ceci dit, son monumental « Là où les tigres sont chez eux » trône dans ma PAL…
c.schroeder a dit:
remarquable critique pour un formidable recueil de nouvelles !mention spéciale pour ma part à l’échiquier du roi..Quant au monumental là où les tigres sont chez eux, Blas de robles nous délivre une formidable biographie d’Athanase kircher, ce jésuite allemand du 17ème siècle (maître des cent arts), on suit en parallèle,au sein d’un Brésil contemporain aux multiples facettes, une poignée de personnages se perdant tous plus ou i moins dans leurs propres jungles.formidablement documenté, l’érudition et l’écriture de J.M Blas de robles font encore une fois merveille. Je n’ai pas un grand talent pour les critiques littéraires,je vous laisse donc découvrir cette » petite » pépite..
Petite Balabolka a dit:
Merci ! « L »échiquier du roi » est en effet une nouvelle de qualité.
Bien, je vais essayer de trouver le temps pour m’attaquer aux tigres !
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le dernier gardien d’Ellis Island
Auteur : Gaëlle Josse
Edition : Notabilia
29 questions, le sésame pour l’Eldorado, sauf à avoir été marqué par les officiers de santé, du « X » fatidique qui fait de vous un refusé. De Annie Moore, jeune Irlandaise accompagnée de ses deux petits frères à Arne Peterssen, marchand norvégien, ils seront 12 millions entre 1892 et 1954 à subir ces contrôles administratifs et médicaux, 12 millions d’immigrants qui débarquent sur Ellis Island, à l’embouchure de l’Hudson, face à New York et à l’Amérique, terre de tous les espoirs. Poussés, le plus souvent, par la misère, harassés par des semaines de traversée dans des conditions éprouvantes, les arrivants serrent leurs maigres bagages et essaient de paraître présentables face à l’administration nombreuse du centre qui applique une procédure sélective. La générosité du pays d’accueil a ses limites : 2% des candidats, considérés comme indésirables seront refoulés.
Ellis Island est d’abord le creuset de toutes ces souffrances, de toutes ces vies déjà en exil qui doivent se reconstruire. Difficile d’y voir autre chose qu’un lieu sordide, où la maladie a d’ailleurs parfois sévi. C’est un peu de cette histoire que nous donne à appréhender Gaëlle Josse (auteur que je découvre) à travers « Le dernier gardien d’Ellis Island », court roman paru dans la collection Notabilia (que je découvre aussi). J’avoue que j’ai un peu piaffé d’impatience avant qu’elle en arrive au cœur du sujet, à travers les histoires personnelles de Nella et Paolo Casarini, de Francesco Lazzarini, de Giòrgy Kovàcs.
Non pas que celle du gardien, John Mitchell et de sa jeune épouse, Liz ne soit pas touchante mais ce n’est pas ça que j’avais envie de lire. Dés le début, j’attendais que l’auteur dénonce l’ignominie de ce passage par Ellis Island et de cette sélection d’influence eugéniste. Elle s’y emploie mais patiemment, avec une écriture appliquée et pudique, en montant en puissance progressivement.
C’est donc l’histoire poignante de Paolo, séparé de sa sœur Nella et refusé pour cause de retard mental, sœur qui se sacrifie dans l’espoir qu’un regard bienveillant sera posé sur le cas de son frère. Par ricochet, parce qu’ils étaient à bord du même navire, John Mitchell découvre le parcours de Francesco Lazzarini, suspect parce qu’anarchiste en Italie. Pour expurger sa faute, il lui accorde, contre toute attente, le fameux sésame. Pourtant, politiquement aussi, il fallait montrer patte blanche. Plus tard, il se remémore avec honte le zèle qu’il a mis à traquer les « rouges », en suivant les recommandations des ambassades, sans discernement. La « Porte d’or » ne voudra pas s’ouvrir pour Giòrgy Kovàcs, l’écrivain, pas assez communiste pour la Hongrie mais trop pour les Etats-Unis…
J’ai apprécié que l’auteur revienne sur les portraits d’immigrants réalisés par Auguste Sherman (un responsable administratif du centre) et en évoque, par la voix de John Mitchell, toute l’incongruité. En quoi ces pauvres gens, dans ce moment de fatigue et d’inquiétude, avaient-ils envie d’être photographiés ? Même si Sherman n’a jamais clairement indiqué d’intentions autres que artistiques, on sait bien comment ces portraits ont pu être exploités, en une sorte de zoo humain qui personnellement me donne la nausée.
Et l’auteur arrive là où elle voulait nous mener car c’est sur les mots « dignité », « mémoire » et « justice » qu’elle referme la porte d’Ellis Island.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Contrebande
Auteur ; Enrique Serpa
Editeur : Zulma
Il ne semble doué que pour la faiblesse. Pusillanime et versatile, tel est le personnage principal de ce roman qui a pour cadre l’île de Cuba dans les années 20. Cet homme qui est pourtant le narrateur n’est jamais nommé, un peu comme un miroir à la transparence de sa volonté. L’aisance financière relative dont il bénéficie lui procure les moyens d’une vie dissolue. Armateur par héritage de trois bateaux de pêche, il a abandonné sa carrière de chimiste au sein d’une entreprise sucrière. N’ayant pas en lui la rage de ceux qui avancent le ventre creux, il traîne sa langueur de bars en lupanars, consommant ce qui est offert dans ces lieux sordides qu’Enrique Serpa sait décrire dans toute leur fatigue. Pour soigner sa santé malmenée par des années d’excès, l’armateur noceur se conforme à la prescription médicale : prendre l’air en mer à bord du fleuron de sa petite flotte, La Buena Ventura commandée par un impressionnant capitaine surnommé Requin. Là, la mollesse de notre dandy (dont l’équipage raille en sourdine la pantalon de flanelle et la veste en cachemire) ne peut que mettre en exergue la farouche détermination de Requin dont le caractère affuté comme une lame impose d’emblée le respect aux marins. Mais malgré tout le talent du capitaine pour repérer les bancs de mérou, le résultat de la campagne de pèche permet à peine de couvrir les frais engagés. L’offre surabondante de poissons, conséquence directe d’une concurrence déloyale des bateaux frigorifiques américains rend le prix d’achat dérisoire. Les marins goûtent une fois de plus l’amère expérience du labeur acharné qui n’accorde pas, comme une juste récompense, la satisfaction de réjouir son foyer d’une bonne pitance. Requin, toujours pugnace, suggère alors au propriétaire de la flottille de se tourner vers une activité rendue lucrative par l’instauration de la Prohibition chez le puissant voisin : la contrebande d’alcool. Un peu par cupidité mais surtout enivré par la promesse d’émotion associée à cette entreprise risquée, l’armateur se laisse convaincre et même absorber par l’aventure. Son caractère craintif voire pleutre a enfin une occasion de s’affirmer face à Requin. Le dandy las et dolent va pouvoir vibrer. Il dépense alors une incroyable énergie pour collecter les fonds nécessaires à l’achat de la marchandise et pour prendre contact avec les acheteurs. Quand tout est prêt, l’aventure peut commencer.
A ce stade de l’histoire et contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, le lecteur va devoir accepter quelques longueurs car Enrique Serpa a décidé de prendre son temps. En effet, les journées de navigation nécessaires pour rejoindre le point de rencontre et débarquer la précieuse cargaison sont l’occasion pour l’auteur de brosser un portrait psychologique et social des autres marins. Il oppose la résignation du vieux Martín à la colère sourde de Pepe le catalan, Pepe qui enrage de ne pas parvenir à nourrir correctement ses gosses, qui est révulsé par tant d’inégalités entre les armateurs, soutenus par le gouvernement, et les pécheurs, acculés à une vie sans espoir. Dans la colère de Pepe, il y a le désespoir contenu de tout un monde de miséreux entre les prostituées fatiguées de La Havane, les marins exploités, les gosses anémiques et va-nu-pieds, les paysans résignés des hameaux et, pauvres parmi les pauvres, les « éboueurs » qui survivent des rebuts des autres. C’est avec une infinie tendresse qu’Enrique Serpa nous les présente, eux qui sont ses compatriotes, cherchant peut être à restaurer un peu de leur dignité bafouée par tant d’injustice et de pauvreté.
Le propos du livre est servi par une écriture magnifique. Dire que ce roman écrit en 1938 n’a été traduit et édité en France qu’en 2009. Remarquable travail de la maison Zulma qui a su dénicher cette pépite et surtout travailler avec un traducteur capable d’en préserver la beauté littéraire. Car quel matériau ! On comprend pourquoi le grand Hemingway lui-même avait repéré les talents de romancier d’Enrique Serpa et l’exhortait à ne pas rester journaliste.
C’est en effet avec une poésie sans cesse renouvelée que l’auteur nous décrit tout un univers maritime, que ce soit le dur labeur des pécheurs mais aussi la fière allure de la goélette, les infinies textures de la mer et la palette des couleurs du ciel quand il se reflète dans cette immensité.
C’est aussi avec une profonde humanité qu’il présente la colère d’un peuple et annonce en quelque sorte une révolte en marche.
librairieapostrophe a dit:
Merci pour ces riches chroniques. De belles lectures.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Un hiver à Paris
Auteur : Jean-Philippe Blondel
Editeur : Buchet-Chastel
C’est assez remarquable ce que Jean-Philippe Blondel parvient à obtenir avec ses romans. La forme se fait discrète pour laisser l’histoire se dérouler et nous imprégner. Les phrases, globalement simples, ne recherchent pas d’effet particulier. La musicalité se déroule à l’échelle du paragraphe ou de la page. Alors qu’on ne s’y attend pas ou plus, quelques mots viennent illuminer tout ce qu’on a lu précédemment, un peu comme l’assaisonnement subtil d’un plat dont on aurait pu craindre l’ordinaire. Une forme discrète à l’image de Victor, le personnage principal de ce roman. Élève brillant dans son lycée de province, il est devenu un étudiant en retrait dans sa classe préparatoire littéraire parisienne. Il est celui qu’on n’attend pas là et qui, de fait, est invisible pour les autres : pas assez doué, pas assez parisien, pas assez populaire. L’élitisme féroce (nous sommes au milieu des années 1980) qui se nourrit d’humiliations quotidiennes ne semble pas vraiment atteindre Victor. Il s’est mis à distance de tout, de ses repères d’enfance, de ses parents modestes dont il s’éloigne culturellement, à distance aussi des ambitions qui ne sont pas à sa portée (réussir l’entrée à Normale Sup). Contre toute attente, il passe en khâgne. Une amitié balbutiante se noue alors entre Victor et Mathieu, élève de première année, provincial et isolé comme lui. La suite va se révéler d’autant plus émouvante que l’on a bien mesuré, dès les premières pages du livre, la part d’autobiographie qui l’inspire. Mathieu, plus sensible que Victor, ne parvient pas à flotter au-dessus de toute cette pression, cette violence ordinaire. Une énième humiliation du professeur de français et il se précipite dans le vide du haut de l’escalier. Le suicide de Mathieu va révéler Victor aux autres. En tant qu’ « ami de la victime », il prend de la consistance, entre dans les sphères de l’élève le plus brillant de la khâgne et devient populaire. Duperie, superficialité auxquelles s’ajoute l’ambiguïté de sa rencontre avec le père de Mathieu dont il ne peut être le fils de substitution. Comment réussir à se plier encore aux exigences de cette formation élitiste alors qu’elle a broyé l’un des siens ? Comment faire comme si rien n’avait eu lieu ? Dérision, triste dérision. Victor est décidé à trouver sa place. Il comprend que sa vérité à lui est d’écrire des romans. J’ai beaucoup aimé ce passage. On sent que le personnage s’efface pour passer derrière l’auteur, un auteur naissant avec déjà de vraies intentions pour ses lecteurs. Bien sûr, aujourd’hui, Jean-Philippe Blondel est un auteur confirmé mais j’ai eu le sentiment qu’il nous confiait là ses désirs premiers, profonds, sa ligne de repères, son arrimage. Cette confidence m’a touchée, cette promesse m’a émue car elle opère sur la lectrice que je suis avec l’effet escompté.
S’il vous plait, mes libraires, faites venir Jean-Philippe Blondel !
Petite Balabolka a dit:
Titre : J’ai glissé sur le monde avec effort
Auteur : Fabien Sanchez
Editeur : La Dragonne
Dans ma librairie, il y a un présentoir assez discret, un peu éclipsé par la table des beaux livres. On pourrait presque passer devant sans le voir. Sur ce présentoir, on trouve des livres tout aussi discrets, beaux pour autant. Ils n’ont pas de couvertures brillantes et de titres à rallonge qui m’agacent tant. Ils se déclinent dans des teintes douces ou en noir et blanc, parfois une photographie style sépia orne leurs couvertures mates à grains épais. Ils ne sont pas clinquants et n’appartiennent pas à des maisons d’édition connues.
J’aime bien m’attarder devant ce présentoir.
Le livre que j’avais repéré offrait une combinaison charmante : un titre magnifique (en soi, un poème), un éditeur au nom insolite, une photo à la fois pittoresque et nostalgique où une voiture chargée d’une improbable pile de matelas roule coffre ouvert en direction d’une métropole. M’emparant de l’objet, j’ai demandé à mon libraire de manière particulièrement pertinente : « c’est bien, ça ? »
Son œil a pétillé, c’était bon signe. Il m’a parlé de la qualité du travail de cette maison d’édition; il m’a parlé de l’auteur qui a à la fois une écriture simple mais contemporaine, une écriture qui imprègne en profondeur.
J’ai bien aimé l’idée de repartir avec un livre de poèmes alors que je ne l’avais pas prévu au départ. Je l’ai lu aussitôt. Dès le premier poème, j’ai senti l’émotion monter en moi. Je ne sais pas comment en parler, je mesure toute la maladresse qu’il me faut éviter.
On sent des fêlures, des béquilles incertaines, une façon d’avancer sans grande vaillance mais d’avancer quand même, une façon de se chercher dans les voyages, de se trouver peut-être dans l’amour d’une femme. On devine la volonté ténue d’accepter enfin la sortie de l’enfance, une nostalgie douce avec laquelle il faut se construire ou grâce à laquelle on se construit car elle enveloppe de bienveillance comme autrefois le regard du père.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de poésie. Discret présentoir , tu ne m’as pas déçue, je passerai te revoir.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Viviane Elisabeth Fauville
Auteur : Julia Deck
Editeur : Les Éditions de Minuit, Collection « double »
Viviane Elisabeth Fauville a 42 ans, un bébé de 3 mois, des cartons pas déballés dans son appartement et un bon salaire en fin de mois qu’elle admet ne pas mériter. Viviane Elisabeth Fauville a certainement aussi un je ne sais quoi de pas réglé avec sa mère pour garder depuis 8 ans sans vouloir le vendre ni le louer son beau T4 avec parquet et moulures dans le 5ème arrondissement.
Viviane Elisabeth Fauville n’a plus tout à fait de mari, ni tout à fait sa conscience. Depuis peu, Viviane Elisabeth Fauville n’a plus de psychanalyste, par contre, elle a un objet incongru dans son sac à main, c’est bien là le problème…
Ce premier roman de Julia Deck est assez stupéfiant de maîtrise. Véritable performance narrative, il propose au lecteur différents points de vue. Le « vous » qui capte le lecteur , le « je » qui accompagne les démarches d’Elisabeth , le « elle » qui introduit une distance comparable à l’éloignement de l’état de conscience, cette alternance est particulièrement habile.
Et quand on croit, par la valse des pronoms personnels, avoir fait le tour de tous ces points de vue, le livre en réserve en fait un dernier assez inattendu.
Psychologie subtile, suspense et maîtrise narrative, autant d’arguments pour découvrir ce nouvel auteur sur la scène littéraire.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le livre des secrets
Auteur : Fiona Kidman
Editeur : Sabine Wespieser
Elle vit seule dans cette vieille maison depuis près d’un demi-siècle sans presque jamais en sortir. Les gens l’appellent « la sorcière ». Sorcière parce que recluse ou recluse parce que sorcière ? Tout cela n’a plus guère d’importance pour Maria McClure car cet isolement, d’abord contraint, elle a fini par le choisir. Est-ce un défi lancé à cette communauté qui l’a bannie autrefois et qui aujourd’hui s’en repent un peu ou n’en connait plus trop bien la raison ? Un défi ou plutôt un refuge ? Avant elle, sa grand-mère et sa mère en ont cherché : Isabella, dans une forme d’indépendance et de rébellion, Annie, à l’inverse, dans la stricte observation des règles morales et religieuses. Fiona Kidman nous relate une histoire de femmes, au sein ou face à une communauté, un groupe que l’on va suivre depuis l’Ecosse jusque la Nouvelle-Zélande sur trois générations, de 1812 à 1953. Ce groupe a un guide, Norman McLeod, seul personnage historique de cette fresque qui s’inspire de faits réels, une succession de migrations à la recherche de terres exploitables, d’abord à Pictou en Nouvelle-Ecosse puis à Sainte-Anne sur l’île du Cap Breton pour un établissement définitif à Waipu en Nouvelle-Zélande (une carte aide à suivre le périple). L’auteure a su intégrer avec intelligence ses recherches documentaires au récit et rien n’est fastidieux, au contraire.
Maria est la dépositaire de cette histoire à la fois collective et personnelle, collective car étant âgée, elle représente la mémoire des anciens, personnelle car elle sait, pour avoir lu les cahiers d’Isabella, sa grand-mère, le prix que les femmes de sa famille ont payé au cours de cette odyssée de pionniers. Des femmes que McLeod, ministre presbytérien rigoriste, fustigeaient régulièrement au cours de ses sermons, leur rappelant sans cesse leur soumission nécessaire et naturelle (selon lui), ainsi que la moralité et la modestie qui devaient guider leur vie. Plus généralement, Fiona Kidman montre avec talent toute l’étendue de l’emprise que ce personnage à la personnalité complexe et fascinante exerçait sur le groupe, manipulant ses fidèles par une crainte constante de la dénonciation de leur indignité, adoubant parfois certains pour mieux faire retomber son courroux sur d’autres. Si Isabella a réussi, grâce à sa forte personnalité, à se maintenir au bord de l’ostracisme, Maria, quant à elle, n’y a pas échappé, payant cher sa tentative d’indépendance.
Le livre des secrets est donc une histoire de transmission, d’héritage renié ou assumé, une histoire de femmes courageuses et émouvantes qui trouvent la force d’affirmer leur sensibilité, leur personnalité au sein d’un groupe ou d’une famille qui ne pense qu’à les amalgamer comme une pâte malléable. Ces femmes qui ont décidé d’être leur propre matériau nous offrent une très belle leçon d’émancipation.
librairieapostrophe a dit:
Belle chronique !
Petite Balabolka a dit:
Merci ! Quand le livre est beau, cela facilite l’inspiration. Merci de me l’avoir proposé.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Novecento : pianiste
Auteur : Alessandro Baricco
Editeur : Folio
C’est le genre de livres dont le format court joue comme une épure, cisèle l’essentiel et donne une sensation de joyau. Le propos doit être servi par une belle écriture et il est préférable que l’auteur aborde des thèmes forts à visée universelle ou philosophique, à moins de choisir une empreinte poétique ou une alchimie de tout ça, ce qui est plus ambitieux et plus risqué sauf si on a le talent d’Alessandro Baricco. Né avec le XXème siècle qui lui donne son nom, Novecento a eu pour berceau un bateau, le Virginian, un transatlantique qui déverse son flot de migrants à chaque traversée. Il a eu pour parent adoptif, un vieux marin qui l’a élevé avec la bienveillance de l’équipage, mais sans jamais le laisser mettre pied à terre, de peur que sa situation irrégulière d’enfant abandonné n’attire les ennuis. Novecento a appris seul à jouer du piano et il a su d’emblée en jouer mieux que personne. Adulte, Novecento n’a jamais voulu descendre du Virginian. Pourquoi le ferait-il puisque le monde vient à lui et qu’il sait « lire les gens » pour créer sa musique ? A bord du bateau, Novecento n’a pas peur. La finitude de la coque sur l’infini de l’océan le rassure, les 88 touches de son clavier lui donnent accès à toutes les musiques et il sait quelle partition jouer, inspiré par l’Océan en chef d’orchestre.
Ecrit pour le théâtre ou pour être lu à voix haute, ce texte, d’une beauté sidérante, se lit presque en apnée afin de ne pas rompre le charme. Pour aller au-delà de l’émerveillement que procure ce monologue poétique, la maison d’édition a eu l’intelligente idée de donner la parole, dans une postface, à sa traductrice, Françoise Brun car, parfois, ce sont ceux qui prennent à bras le corps un texte, ceux dont les efforts constants s’appliquent à en rendre la beauté originelle, qui en parlent le mieux.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Papa, tu es fou
Auteur : William Saroyan
Editeur : Zulma
Quand on n’a plus le sien, il n’est pas facile de se tourner vers un livre qui met autant en avant le mot « papa ». Cependant, il arrive que l’enthousiasme d’un libraire soit suffisamment fort et sincère pour que l’on n’ait plus peur de ce genre de mise en exergue. Pour cette critique, j’ai presque eu envie de me contenter d’écrire « c’est beau », « c’est beau et positif ». Cependant, comme la beauté d’un texte a mille manières pour se manifester, je me suis dit qu’il fallait développer un peu.
L’histoire n’est pas très compliquée. Nous sommes dans les années 50 en Californie. Un garçon de 10 ans va aller vivre quelques temps avec son père. Le papa est écrivain mais n’a pas le sou. Sans cacher sa situation à son fils, il va s’arranger pour que le quotidien, nécessairement fait de peu sur le plan matériel, ne soit jamais pénible, bien au contraire. C’est un papa imaginatif qui invente des recettes avec tout ce qu’il trouve dans les placards et leur donne des noms fabuleux comme « le riz de l’écrivain ». C’est un papa qui prend le temps de jouer avec son fils, avec des cartes, avec des mots, de courir avec lui sur la plage et de lui montrer les trésors de l’Océan. Le petit garçon pose beaucoup de questions et le papa répond toujours, de la façon la plus honnête possible, une merveille de réponse, pleine d’optimisme, de sensibilité ou de poésie. Le petit garçon n’aime pas l’école et le papa fait ce qu’il peut pour le convaincre que si, il l’aime quand même un peu, sans s’en rendre compte. Pourtant, on devine combien la compagnie de ce papa créatif et positif doit être plus attrayante.
Oui, c’est vrai, il est peut-être un peu fou, pas très raisonnable en tout cas, quand il accepte de faire 900 km pour aller à Half Moon Bay et de dépenser ainsi leurs maigres économies, tout ça parce que son fils trouve le nom joli.
Mais l’éducation n’est pas qu’affaire de contingences matérielles, fort heureusement et celle que propose William Saroyan (il s’agit de lui) à son fils Aram est riche des valeurs humanistes et de l’amour de la vie qu’il s’efforce de lui transmettre. Apprendre à regarder différemment, s’enthousiasmer de tout, essayer de faire du mieux que l’on peut, poser des questions, chercher à comprendre, autant de moteurs qui font que chaque journée passée est à elle seule une histoire, chaque individu, un écrivain. Ensuite, c’est juste une affaire de mots à trouver, ou pas.
Un roman qui a l’air minimaliste par son histoire simple, son format, son vocabulaire (c’est un enfant qui parle) mais qui ne l’est pas du tout en fait car il vient souligner des réflexions fondamentales. Rien n’est appuyé mais tout paraît essentiel ou plutôt l’essentiel se dégage comme un magnifique haut-relief finement ciselé et j’en ai juste été béate d’admiration. Oui, c’est ça en fait, j’ai admiré cet essentiel magnifié, j’ai apprécié, cessé d’analyser et ce sentiment au fil de ma lecture m’a dorlotée. Même à l’âge adulte, ça fait du bien.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Rien où poser sa tête
Auteur : Françoise Frenkel
Editeur : L’Arbalète Gallimard
« Rien où poser sa tête », c’est la préoccupation lancinante des exilés, des réfugiés, de tous ces individus jetés par milliers sur les routes, ballottés par la vindicte des conflits du monde. Ecrit dans le contexte immédiat de l’après seconde Guerre mondiale, le témoignage de Françoise Frenkel possède quelque chose d’universel qui lui donne une force supplémentaire. C’est une femme traquée, comme d’autres à cette période, qui témoigne, une femme anonyme qui raconte son histoire dans l’ombre. Patrick Modiano qui a accepté de préfacer ce livre, nous explique qu’il n’a pas envie d’en savoir plus sur le personnage, sur son devenir après la guerre, qu’il n’est pas toujours pertinent de mettre en lumière l’individu derrière l’écrivain même si la tendance actuelle fait souvent d’eux des personnages publics.
Ecrit et publié dès 1945, à une date relativement proche des événements donc, ce texte est un témoignage précieux sur ce que furent ces parcours chaotiques de fugitifs pendant la Seconde guerre mondiale. Il répond à un besoin impérieux de vérité, à la volonté de mettre en avant, les multiples solidarités, petites ou grandes, qui ont permis de sauver des vies. Les lâchetés, les dénonciations, le zèle féroce de certains fonctionnaires asservis aux lois de Vichy ou à celles de l’Occupant ne sont pas tus pour autant. C’est une femme lucide qui témoigne. Dès les années 30, elle a été rompue à surmonter des formes de tracasseries diverses, non pas tant en raison de ses origines d’ailleurs, que par la profession qu’elle a choisie, celle de libraire, libraire à Berlin, spécialisée dans la vente de livres français. En 1920, quand elle décide de s’installer, constatant l’absence de toute librairie française dans cette capitale, elle doit déjà convaincre et lever les réticences associées à une telle entreprise, le traité de Versailles ayant nourri un fort sentiment d’hostilité vis-à-vis de la France. Mais il en faut davantage pour dissuader cette Polonaise, francophile convaincue, ayant fait ses lettres à la Sorbonne et elle parvient à donner de l’ampleur à « La Maison du Livre français à Berlin » créant même une animation culturelle, organisant des rencontres, des conférences, acquérant une certaine notoriété consacrée par la visite de Briand lui-même. Avec l’arrivée des Nazis au pouvoir, elle n’est plus libre de vendre ce qu’elle veut, de nombreux auteurs sont mis à l’index et sa librairie fait l’objet d’une surveillance étroite. En 1935, avec la promulgation des lois raciales, c’est elle-même, en tant que juive, qui est visée. Pourtant, elle tient jusque 1939, se réfugie alors en France, à Paris, à défaut de pouvoir atteindre la Pologne, déjà en guerre. Bien sûr, le refuge est précaire. Avec l’invasion allemande, elle part pour le Sud, Avignon d’abord puis Nice. Nice qui devient l’impasse où aboutissent toutes les errances, représentants d’un gotha en perdition, coincés par la guerre, ou réfugiés de toutes nationalités ayant déjà fui plusieurs pays. Pour tenter de sortir de cette impasse, une énergie considérable devait être déployée pour obtenir auprès des commissariats ou de la préfecture, visa, sauf-conduit ou permis de séjour. Partir ou rester, tout nécessitait des heures d’attente et d’angoisse pour les réfugiés étrangers, avec le risque d’un papier qui manque, d’une disposition modifiée, d’un fonctionnaire peu compréhensif. J’ai rarement lu un livre où ces difficultés étaient aussi minutieusement décrites et analysées. Elles permettent de comprendre, tout comme les difficultés du ravitaillement, la lassitude générale des populations.
A partir de l’été 1942 et des premières rafles systématiques de Juifs, la réfugiée entre en clandestinité. Commence alors pour elle un autre parcours, encore plus difficile mais où elle va bénéficier de nombreuses formes de bienveillance et de solidarités. Bien sûr, certains chercheront à tirer parti de la situation mais globalement, elle aura affaire à des protecteurs totalement désintéressés, à commencer par le couple de coiffeurs, Monsieur et Madame Marius, qui prendront des risques infinis pour la sauver. Bien difficile de dire si le parcours de Françoise Frenkel est représentatif de l’aide qui a été apportée aux pourchassés et réfugiés. A-t-elle eue une chance particulière ? A t-elle pu compter sur des amis particulièrement soucieux de son sort comme ce couple de Suisses dont on ne sait rien sauf qu’ils lui renouvellent autant que possible son visa ? La situation de Nice sous Occupation italienne de novembre 1942 à septembre 1943, avec une application un peu moins féroce des mesures antisémites, a -t-elle joué, lui donnant pour un temps un répit profitable ?
Françoise Frenkel ne donne pas de leçons. Elle dit simplement, sans chercher à se mettre en avant, ce qu’il en a été pour elle, pour les autres réfugiés qu’elle a côtoyés à l’hôtel La Roseraie ou à la prison d’Annecy, Elle n’oublie aucune des aides, un simple sourire parfois, qui lui ont été apportées. La sobriété qu’elle s’impose donne à son témoignage une justesse et une force incomparables.
Il était temps que ce livre sorte de l’oubli et rappelle le parcours courageux de cette femme, un peu comme un juste retour des choses pour celle qui défendit tant les livres.
Petite Balabolka a dit:
Titre : Le baby-sitter
Auteur : Jean-Philippe Blondel
Editeur : Buchet-Chastel
Imaginez une sorte de grand dadais, d’allure nonchalante, dégageant presque malgré lui un sentiment de bonhomie. Imaginez-le tout juste sorti de l’adolescence mais déjà en prise avec des réalités adultes, pécuniaires par exemple et de fait, dans l’obligation de trouver un moyen de compléter ses subsides, compatible avec son statut d’étudiant. Alex, notre personnage principal propose alors ses services dans la garde d’enfants, pas vraiment convaincu qu’on fera appel à lui mais finalement sollicité par quelques couples car Mélanie, l’efficace boulangère du quartier, a joué les relations publiques. Le voici désormais baby-sitter attitré auprès de quelques familles, devenant parfois un appui indéniable à leur équilibre.
Progressivement, parce qu’il est un type plutôt tranquille qui semble ne jamais s’imposer, n’appartenant ni à la catégorie looser ni à celle des champions, parce qu’il est le genre de personne avec qui on se sent d’emblée en confiance, un peu comme une pause de bien-être, Alex, avec ses tout juste 19 ans, attire à lui les confidences tout autant qu’il cristallise les fêlures de ces quadras qui l’ont embauché. Il soutient Mélanie que son mari a quittée, il devient l’ami de Max qui vit mal la séparation hebdomadaire, pour raison professionnelle, avec son épouse et qui cache un lourd passé. Avec sa naïveté, il ébranle la bulle d’indifférence que s’est forgée, Irina dont le père a disparu dans des circonstances troubles en URSS. Il sauve la vie d’Emile aussi et on imagine la reconnaissance infinie de ses parents.
Ces rencontres avec des adultes plus âgés que lui questionne son propre rapport à ses parents, à sa mère qui l’a eu très tôt et l’a élevé seule mais sans jamais le considérer comme un problème dans sa vie, à son père qui au contraire l’a plutôt mis de côté.
Le dernier chapitre, à plusieurs voix, est particulièrement réussi et l’événement qui va réunir tous les protagonistes de l’histoire est génial dans sa simplicité. Il serait dommage de le dévoiler.
L’écriture de Blondel est comme le personnage principal de ce roman, Alex. Elle a l’air modeste ou du moins ne cherche pas des effets spectaculaires tout en ayant cependant sa musicalité. On y adhère en confiance, on s’y sent bien. J’aime cette fluidité du propos qui laisse toute la place aux personnages, à leurs histoires respectives et j’aime que l’auteur nous les rende attachants. J’aime cette délicatesse de l’écriture qui ne s’impose pas mais qui percole doucement. pour livrer la profondeur de sens, l’air de rien.